اقتصاد

Fiscalité et développement au Maroc : entre rigueur économique et récit social

“Lecture critique et narrative de l’ouvrage d’Abdelaziz El Ghali”

“L’impôt n’est pas seulement un instrument technique, c’est l’expression d’un contrat social.” Abdeaziz El Ghali

1. Quand l’impôt raconte une société
Un entrepreneur casablancais résumait ainsi son quotidien :
« Comprendre la fiscalité au Maroc prend parfois plus de temps que lancer un projet. »
Derrière cette remarque désabusée se cache une vérité plus profonde : l’impôt n’est pas qu’un mécanisme technique. Il est le miroir du contrat social, l’expression la plus tangible de ce que l’État attend de ses citoyens… et de ce que ces derniers attendent en retour.
C’est à cette articulation subtile qu’Abdelaziz El Ghali consacre son ouvrage. Un livre qui ne se contente pas d’exposer des textes de loi, mais qui entrelace droit, économie et pratiques du terrain pour poser une question décisive : quelle fiscalité pour quel Maroc ?
2. Le dilemme marocain : entre ressources publiques et compétitivité

Depuis le milieu des années 1990, la pression fiscale au Maroc a progressé de 23 % à près de 29 % du PIB. Cette trajectoire traduit une modernisation de l’appareil fiscal : introduction de la TVA, élargissement de l’assiette, réformes successives visant à sécuriser les recettes.
Graphique 1 : Évolution de la pression fiscale au Maroc (1995–2020)

(progression régulière avec des paliers lors des réformes majeures)
Mais cette montée en puissance a un coût : comment financer éducation, santé, infrastructures, tout en maintenant l’attractivité économique ? C’est cette tension permanente – un État qui doit faire plus avec des entreprises qui demandent à payer moins – qui structure le débat.
3. L’apport d’El Ghali : un pont entre droit et économie
La singularité de l’ouvrage d’El Ghali réside dans son refus de cloisonner. Il ne s’agit pas d’un traité juridique ni d’un simple rapport économique, mais d’une synthèse transversale.
– Le droit fiscal marocain, comme cadre de référence et d’autorité.
– Les modèles économiques, avec en tête celui de Scully, pour objectiver le débat.
– Les observations de terrain, issues des pratiques réelles des entreprises et de l’administration.
Ce triple regard en fait un outil à la fois académique et opérationnel, utile autant aux chercheurs qu’aux décideurs publics et privés.
4. La courbe de Scully : le Maroc sur la ligne de crête
Le modèle de Scully repose sur une intuition simple : la fiscalité stimule la croissance… jusqu’à un certain point. Au-delà, elle la bride.
Selon les calculs appliqués au Maroc, ce point d’équilibre se situe entre 28 % et 30 % du PIB. Or, le pays évolue précisément dans cette fourchette. Cela signifie que chaque réforme, chaque ajustement de taux ou d’assiette, peut avoir des effets démultipliés – positifs ou négatifs – sur la trajectoire économique.
Graphique 2 : Courbe de Scully adaptée au cas marocain

( croissance qui progresse jusqu’à 29 %, puis décline au-delà)
Cette approche donne une dimension stratégique aux débats fiscaux marocains : il ne s’agit plus seulement de collecter, mais de calibrer l’impôt comme on règle la précision d’un instrument de musique.

5. Le Maroc dans le grand débat mondial
La réflexion d’El Ghali prend tout son sens lorsqu’elle est mise en perspective avec les grandes voix de l’économie mondiale :
– Joseph Stiglitz voit dans la fiscalité l’outil de correction des marchés, quitte à sacrifier un peu d’efficacité.
– Thomas Piketty défend une fiscalité fortement progressive, quasi militante, pour briser la spirale des inégalités.
– El Ghali propose une voie médiane, contextualisée : une fiscalité suffisante pour financer l’État, mais calibrée pour ne pas étouffer un pays émergent.
Graphique3: Benchmark – Maroc, Turquie, Tunisie (2020)

(Maroc ~29 %, Turquie ~32 %, Tunisie ~27 %)
Dans un environnement régional marqué par la compétition fiscale, cette position intermédiaire offre au Maroc un espace fragile mais stratégique.
6. L’art d’optimiser sans franchir la ligne rouge
Une contribution notable du livre est de réhabiliter le concept d’optimisation fiscale légale.
Contrairement à l’évasion, l’optimisation est une pratique légitime, tant pour l’État que pour les entreprises, si elle est bien encadrée.
El Ghali insiste sur trois leviers :
1- Les incitations ciblées (notamment pour la R&D).
2- L’amortissement accéléré, qui allège le court terme pour stimuler l’investissement.
3- Les conventions internationales, qui évitent
la double imposition pour les sociétés exportatrices.
Sa thèse est claire : « L’optimisation n’est pas une échappatoire, mais une méthode pour aligner intérêts publics et privés. »
7. Apports et horizons de recherche

Apports :
– Une vision intégrée qui refuse les silos.
– Une rigueur appuyée sur 25 ans de données.
– Des recommandations concrètes, applicables rapidement.

– Horizons de recherche: L’ouvrage se distingue par sa solidité et son caractère novateur. Comme toute recherche ambitieuse, il ouvre également des horizons qui méritent d’être explorés davantage :
– Une analyse plus fine de l’impact micro-économique sur les ménages.
– Une exploration approfondie de la fiscalité numérique et des règles internationales récentes (BEPS, OCDE).
– Une lecture sectorielle plus détaillée (industrie, digital, énergies renouvelables).
Ces points ne constituent nullement des faiblesses, mais bien des chantiers complémentaires qui renforcent la richesse du débat et offrent de multiples pistes pour prolonger la réflexion académique et nourrir le débat public.

8. l’impôt comme récit national

À la fin de la lecture, une conviction s’impose : au Maroc, l’impôt est plus qu’un instrument de financement. Il est une narration collective, une manière de dire ce que le pays veut être.

El Ghali offre une grille de lecture précieuse pour qui veut comprendre les équilibres fragiles entre croissance, justice sociale et compétitivité. Un livre qui, à la manière des meilleures analyses internationales, place le Maroc au cœur d’un débat global sur la fiscalité dans les économies émergentes.
Comme il le rappelle lui-même :
« L’impôt n’est pas une technique. C’est une histoire de société. »
Et cette histoire, le Maroc est en train de l’écrire, au croisement des chiffres et des choix politiques.

اشترك الآن في القائمة البريدية لموقع الدائرة نيوز _ Dairanews لمعرفة جديد الاخبار